Key Art officiel du jeu vidéo Robin Hood Sherwood Builders. On y voit un homme encapuchonné portant les couleurs du clan de Robin des bois. On devine ainsi qui est l'homme sous la capuche.

Quand j’étais petit, j’avais un château fort « Robin des bois ». Vous savez, le genre de jouet à fabriquer qu’on achetait morceau par morceau chez le marchand de journaux du coin. Le genre de jouet qui revenait en définitive à plusieurs centaines d’euros, mais qui entretenait un phénomène d’attente si fort que c’était finalement l’expérience qui primait. Je me souviens bien de ces semaines, à lire et à relire le fascicule qui accompagnait la figurine ou le morceau de pont-levis du moment. La forêt de Sherwood, la belle Marianne, Petit Jean, l’affreux Duc de Nottingham… Je crois que je l’avais un peu oublié, mais j’ai étonnement construit un lien très fort avec l’univers de Robin des bois, et j’ai bien envie d’y passer un peu de temps !


Si je devais résumer en une phrase simple ce qu’est Robin Hood : Sherwood Builders, je dirais que c’est une sorte de Medieval Dynasty avec un habillage Robin des bois. On se promène sur la carte du monde qui représente le duché de Nottingham, on récolte des ressources pour faire prospérer le village caché de Robin, on gagne de la réputation auprès des locaux tout en combattant les troupes de l’affreux duc et les factions de vilains planquées par-ci par-là, et bien sûr, on construit des cahutes pour tout le beau monde qui nous rejoint. C’est au studio polonais Mean Astronauts que nous devons cette adaptation des aventures de Robin de Loxlay en jeu vidéo, une étape importante pour cette petite équipe puisqu’il s’agit de leur plus ambitieux projet à ce jour.

Dans la forêt lointaine.

Le jeu commence dans le village caché des hors-la-loi, en plein milieu du luxurieux bois de Sherwood. Après avoir échangé quelques mots avec Frère Tuck, l’heure est venue d’explorer les alentours à la recherche de bois de pin pour se crafter un arc. Parce que bien que le combat à l’épée soit envisageable, Robin des bois sans son arc, ça fait quand même un peu tâche, avouez-le. Une fois armé, une partie de chasse illégale dans les bois ducaux s’engage, l’occasion de prélever quelques biches pour nourrir tout le monde. Caché sous sa capuche, à pas feutrés dans les hautes herbes, Robin repère l’animal grâce à son instinct inégalable. Il encoche sa flèche, bande son arc, et tire. Le projectile mortel part à toute vitesse, la caméra peine presque à le suivre, quand soudain il se fiche dans la chair de l’animal qui bientôt git au sol, mort.

Dépeçant avec précision le corps de la bête, le héros attire l’attention d’un homme du duc surveillant les terres de chasse réservées au loisir de la noblesse de Nottingham. En l’espace d’une seconde, le voici qui attaque vaillamment l’intrus. Robin décoche ses flèches dans les jambes du soldat qui titube. Ce court laps de temps lui offre une fenêtre de tir parfaite pour viser la fente de son casque et l’éliminer d’un trait bien placé. La menace s’est évanouie, la tranquillité du lieu reprend ses droits et se joue du carnage. Reviennent les bruissements du vent dans les feuilles et l’écoulement tranquille de la rivière. Dans ces moments-là, une grâce insoupçonnée suspend l’instant, et pendant quelques minutes on incarne vraiment Robin des bois.

capture d'écran du jeu Robin Hood : Sherwood Builders. On y voit la carte du monde, assez vaste, qui s'étend à perte de vue et indique quelques points d'objectifs, comme le camp de base de Robin des bois.

Robin « Coupeur » des bois.

Le problème, c’est que ces instants magiques perdent de leur éclat à cause de leur récurrence. Manger des fraises à la chantilly c’est un régal une fois de temps en temps, mais ça finit par écœurer si Mamie vous en propose à chaque repas ! Or, puisque la majeure partie de votre aventure consistera à vous occuper de vos besoins primaires pour ne pas mourir prématurément de faim ou de soif et à récolter tout un tas de fournitures de base pour réparer votre équipement ou améliorer votre camp, le dégoût monte vite aux lèvres. Malheureusement, le jeu se résume vite à de longues phases de farm de bois, de pierres et de viande et éteint à la longue la flamme qu’il avait su allumer dans les yeux du joueur pendant son tutoriel génialement engageant.

Mais le pire, c’est que sans cette routine particulièrement douloureuse en terme d’expérience de jeu, vous serez dans l’impossibilité de progresser dans vos quêtes et de découvrir l’histoire du titre. L’attrition entraînera rapidement Robin vers la tombe, votre équipement usé se brisera au pire moment, et vous ne pourrez même plus vous téléporter d’un point à un autre car la TP est couteuse en faim et en soif afin de simuler le trajet à effectuer. Alors, on pourrait se dire que combattre les ennemis pourrait régler ces soucis grâce à la générosité du loot, mais ce serait faire fausse route. Réduit à sa plus simple expression, les objets dropés par les mobs ne vous octroieront jamais une arme, rarement de la nourriture et encore moins de l’eau quand bien même vous pourriez voir ces objets sur le skin du cadavre ennemi…

capture d'écran du jeu Robin Hood : Sherwood Builders. Dans une forêt dense, Robin des bois coupe du bois.

Bis repetita ad nauseam.

A bien y réfléchir, ce n’est pas simplement l’aspect craft qui est répétitif, mais bien la boucle de gameplay dans son entier. Si l’on s’intéresse à l’arbre de compétences par exemple, cette feature mise en avant par le studio comme un outil de personnalisation central dans le jeu, on se rend compte que chaque branche de l’arbre est finalement une simple répétition des mêmes bonus case après case. Un renforcement de notre personnage donc, et non une nouvelle voie à explorer. Bien loin d’un Path of Exile, cette représentation semble avoir pour but inavoué de nous faire croire à une grande diversité de sorts et de passifs alors qu’ils tiennent réellement sur les doigts de la main. Ne vous laissez donc pas abuser par les screens, Robin Hood : Sherwood Builders ne brille pas par son système de compétences.

Au niveau des quêtes, rien de bien croustillant non plus. La trame principale tient surtout autour de l’organisation d’une insurrection populaire à grande échelle contre la noblesse anglaise, qui demandera à la bande de Robin des bois de gagner la confiance du peuple pour s’assurer de sa loyauté. Bonne idée sur le papier, l’incrémentation de l’indice de réputation qui en découle s’acquiert cependant au prix de nombreuses quêtes secondaires sans grande saveur – ramener l’objet à machin, tuer bidule, vider le camp truc de ses ennemis. Une formule qui rappelle en substance les cartes des jeux Ubisoft, remplies d’activités à effectuer jusqu’à la nausée. C’est la même formule qui s’applique ici, mais avec un écueil supplémentaire : le système de combat complétement à la ramasse côté IA.

capture d'écran du jeu Robin Hood : Sherwood Builders. L'image est emplie d'une brume violacée et elle est déformée. Cela est du à l'effet magique qui a été appliqué à notre personnage par un adversaire.

Le jeu du chat et de la souris.

Ah ! *soupir* Le moment est venu de parler des combats… Disons qu’en soi, la direction artistique du titre n’est pas désagréable. On pourrait donc s’attendre à des combats bien travaillés, d’autant plus que le trailer du jeu nous montre un Robin des bois preste, aux déplacements aériens, capable de tirer une flèche en l’air directement dans la tête de son adversaire avec un killmove digne de Sniper Elite ! En toute honnêteté, c’est cette même scène qui m’a poussé à accepter le test du jeu. Malheureusement, là encore, le studio ne nous montre pas la qualité réelle du titre une fois clavier et souris en mains. A aucun moment les déplacements et les affrontements n’auront ce niveau d’exigence et de maîtrise, et c’est bien triste. Robin est au contraire lourd à manier, et même si le ralenti est activable d’une pression d’une touche, réussir à réunir toutes les conditions pour revivre des scènes identiques à ce qui a été montré dans le trailer est fastidieux et peu naturel.

A l’image des arguments cités précédemment, les combats sont poussifs et terriblement répétitifs. Quel que soit l’adversaire que vous aurez à affronter, la méthode gagnante sera toujours la même : courir dans tous les sens et vous retourner de temps en temps pour tirer une flèche sur le mob, de préférence dans les jambes pour l’immobiliser. Et c’est tout ! Qu’il y ait un seul ennemi ou un groupe de dix personnages, la technique restera identique. Et c’est tellement dommage ! D’autant plus quand le studio a mis en place des idées innovantes, à l’image des hallucinogènes lancés par certains adversaires qui brouillent complètement la vision lors des combats au corps à corps. Or, soyons sérieux. Qui voudrait jouer à un jeu estampillé Robin des bois en boudant son arc ? Personne.

capture d'écran du jeu Robin Hood : Sherwood Builders. Il s'agit de l'arbre de compétences du jeu, très riche et fourni, qui permet en théorie de spécialiser son héros de la manière qui nous sied le mieux.

Robin Hood : Sherwood Builders porte assez mal son nom. Sorti du prologue, vous n’aurez sans doute plus aucun intérêt pour sa partie construction de village, puisque cela est absolument dispensable. Répétitif et poussif sur la plupart des mécaniques proposées, l’expérience est rapidement désagréable sur la durée. On a davantage la sensation de survivre à la dure dans les bois de Sherwood que de défendre la noble cause de Robin des bois et c’est fort dommage.