
Ah ! Quel plaisir d'écrire au sujet d’un univers qui me fascine et me happe depuis déjà deux décennies ! Pour ceux qui n’auraient pas fait le rapprochement, One More Gate, c’est l’un des derniers nés d’Ankama. Les créateurs de Dofus, Wakfu, Waven… Bref, de tout un tas de très belles raisons de s’éclipser durant des semaines entières pour farmer comme un fou dans leurs univers colorés. Ce qui ne m’aura pas empêché de mettre trente heures dans la vue de One More Gate pour vous faire un retour construit dessus. Si ça, ce n’est pas du professionnalisme, qu’est-ce que c’est ? De la folie, vous dites ? Oui, probablement !
Les plus curieux d’entre vous auront remarqué que One More Gate est sous-titré « A Wakfu Legend« . Un clin d’œil non pas au jeu Wakfu, mais bien à la série d’animation, puisque vous aurez l’occasion d’y incarner Oropo, l’antagoniste des deux dernières saisons en date. Un choix pour le moins étonnant, mais qui permet au joueur de mieux appréhender le cheminement intellectuel et les motivations de ce personnage controversé. Une pointe de lore qui vient habiller un jeu de cartes finement construit, tout en conservant et en enrichissant le bestiaire et les lieux communs d’un univers apprécié de la communauté d’Ankama. Alors, One More Gate se révèle-t-il aussi rejouable et addictif que ne le laisse supposer son titre ?
Pas d’Oropo pour les braves !
L’errance d’Oropo à travers le Krosmos l’amène à s’échouer dans le village inconnu et isolé de Kardia. Chutant depuis l’espace sous la forme d’un rayon d’énergie pure, le Wakfu, il frappe si violemment le Zaap, un portail techno-magique, que ses habitants se retrouvent coupés du monde. Totalement amnésique à son réveil, il est intimé par la protectrice du village à parcourir les plaines pour retrouver les morceaux de portail qui se sont éparpillés aux alentours. C’est la condition nécessaire à la réparation du Zaap et à l’effacement de la dette d’Oropo envers les habitants du lieu. Notre voyage commence alors, et les sorts disponibles, matérialisés sous forme de cartes dans un deck en contenant quatorze, sont pour le moment très basiques. Quelques sorts d’attaque, de défense, de boost et de placement des ennemis qui nous seront néanmoins bien utiles pour progresser dans nos premières runs.
Les deux ou trois premières heures de jeux nous permettent surtout de nous familiariser avec les cartes, de découvrir les sorts des ennemis, d’évaluer nos possibilités… et de prendre de sacrées roustes. Nous sommes si faibles au début qu’un simple affrontement mal géré contre une Arakne ou un Bouftou est susceptible de nous faire passer de vie à trépas en l’espace d’une poignée de secondes. Oropo a très peu de vie, ses sorts n’infligent que peu de dégâts et ses boucliers sont insignifiants. L’épaisseur d’une chips qui nous laisse parfois bien salés quand nous serions arrivés de manière fortuite à nous frayer un chemin jusqu’au Bouftou Royal, premier boss du jeu. Ici, pas de passe droit, il faudra nécessairement en suer pour arriver à nos fins, et cela se traduit d’emblée par un bon nombre de runs à jeter pour gagner des kamas (monnaie principale du jeu servant à acheter des cartes et des objets) et des cristaux de wakfu (autre monnaie servant à améliorer les cartes). Dura lex, sed lex !

Cette phase évacuée, le cœur du jeu peut se dévoiler avec panache. Puisqu’une image vaut mieux qu’un long discours, voici quelques unes des cartes principales de mon deck préféré. Un deck à l’image de son créateur, fidèle de Iop devant l’éternel, toujours prompt à une bonne baston où la réflexion vient après le coup porté. Simple, basique, mais efficace. Un deck « brutal » donc, comme l’intitulé d’Ankama le confirme. Comment fonctionne-t-il en bref ? Chaque carte jouée, à l’exception notable de déchargement ajoute une carte « plaie » à la pioche. Si vous jouez une plaie, vous vous infligez 10 points de dégâts. L’ingéniosité de ce deck, c’est donc de stacker le plus de plaies possible dans votre pioche, puis de les décharger sur votre/vos adversaires. Le déchargement renverse la vapeur, puisqu’il inflige 10 points de dégâts par carte plaie dans votre pioche à vos ennemis, puis supprime les cartes que vous aviez accumulées pour assainir votre main. Malin !

Le deckbuilding pour les nuls.
Vous aurez remarqué que le qualificatif « brutal » est associé à chacune des cartes qui composent mon deck. Il s’agit en fait d’un choix de game design qui donne au joueur une lecture facilitée des combinaisons et synergies applicables à un ensemble de cartes donné. Une formule accessible à toustes qui n’empêchera pas la création de decks plus aboutis en mêlant, par exemple, deux types de qualificatifs (un combo entre « brutal » et « toxique » étant parfaitement viable, si bien dosé). Ainsi, se dessinent plusieurs grandes familles de cartes qui vous proposent des decks clé en main. Une volonté du studio qui rapproche One More Gate du monde des cartes à jouer et à collectionner physique, dans lequel on peut acheter des decks de base composés autour d’une mécanique.
Au deck brutal déjà présenté, s’ajoute assez vite le deck « toxique », qui comme son nom l’indique va déployer un système de poison. Extrêmement efficace une fois les cartes améliorées à leur niveau maximum, sa force réside dans les dégâts passifs qui sont appliqués à l’ennemi empoisonné à chaque début de tour de jeu. Combinez cela avec les cartes « assassines » qui appliquent un effet catalyseur permettant de déployer le poison de la cible aux ennemis se trouvant derrière elle, et vous obtenez un deck impitoyable. Le deck « brûlant » se révèlera tout aussi létal à la condition que vous le composiez en prenant garde de jouer le moins de cartes différentes possibles, maximisant de fait leur redondance. En effet, cette mécanique rend la carte jouée plus puissante à chaque fois qu’elle est de nouveau utilisée en combat. Il sera donc essentiel de piocher autant que possible pour espérer défaire rapidement les ennemis. Ainsi, je ne saurais trop vous conseiller d’associer ce type de deck avec des cartes « pioche » qui viendront alimenter votre brasier.
Enfin, prenons le temps d’évoquer les cartes « éveil », dont le fonctionnement mérite notre attention et qui me semblent une parfaite transition vers des sujets que je n’ai pas encore pu développer. Ce type de deck a du potentiel, et peut se révéler dévastateur pour peu que l’on prenne le temps de se familiariser avec sa prise en main. Jouer un deck « éveil », c’est choisir de faire moins de dégâts directs, mais de jouer avec la quantité d’énergie wakfu que l’on peut utiliser en un tour. Parce que oui, jouer une carte demande un certain coût en énergie, allant de zéro à six unités de wakfu. Au début du combat, vous avez trois unités de wakfu, et cette jauge s’incrémente d’un point à chaque nouveau tour de jeu. Réunir six unités est très intéressant, car une fois épuisées en un tour, elles donnent accès à une puissante capacité « Perfect » (une grosse attaque, un énorme bouclier ou d'importantes cartes de boost). Le deck « éveil » permet d’accélérer la production d’énergie, débloquant des palliers de wakfu plus rapidement. Une méthode plus cérébrale, mais qui peut s’avérer payante si maîtrisée.

Y’en a un peu plus, je vous l’mets quand même ?
A ce stade, le jeu tiendrait sans aucun doute déjà debout. Les différents systèmes proposés suffiraient amplement à compléter l’aventure principale et à défaire les trois boss qu’elle contient. Le Zaap serait réparé, Oropo aurait payé sa dette, en saurait désormais un peu plus sur lui-même. Paf ! Crédits de fin, merci, au revoir ! Sauf que… non. One More Gate va plus loin que cela. Bien plus loin. Tout d’abord, au cours de chaque run, votre chemin vous donnera la possibilité de rencontrer des statues du Panthéon des dieux. Leur apparition est aléatoire et leurs bienfaits tout autant. Ils vous proposent toujours le choix entre deux cartes que vous ne pouvez pas refuser. Passer par une statue, c’est donc voir son deck s’alourdir, pour le meilleur ou pour le pire. Bien qu’Enutrof vous propose une carte qui se joue gratuitement pour jeter toute votre main et en re-piocher une nouvelle, ou que Feca vous accorde le bénéfice de parer n’importe quel sort ennemi pendant un tour pour deux unités de Wakfu, Sacrieur vous offre de vous blesser (quelquefois durement) pour activer un boost sur une carte. Tout don divin n’est donc pas bon à prendre, et surtout pas forcément en phase avec votre tactique.
Remporter un combat, c’est aussi avoir la possibilité de récolter une rune (carrée, ronde, pentagonale ou hexagonale) qui vous octroie un passif. Si tous les passifs sont positifs, certains sont plus accessoires que d’autres selon votre besoin du moment. Si vous jouez un deck « éveil », vous serez sans doute intéressé par une rune qui vous ajoute +1 éveil à chaque carte boost que vous aurez joué. Ce qui ne sera évidemment pas le cas dans une run « brutale ». Bien qu’elles semblent secondaires, les runes ne sont pas à négliger, car elles peuvent être le game changer d’une partie mal engagée. J’ai le souvenir d’une run particulièrement difficile qui s’est trouvée transformée par le combo gagnant entre les runes et mon deck. A chaque boost joué, des dégâts de zone étaient infligés aux ennemis. Et pour chaque monstre tué, des dégâts de zone étaient appliqués de nouveau et un soin m’était accordé. Soin qui n’a lieu habituellement qu’à raison de deux fois par partie lors d’un repos au feu de camp. Une bien belle partie qui s’est soldée par une brillante réussite.
D’autre part, Rémi, le marchand Ecaflip, sera rapidement d’une importance cruciale dans le bon déroulement de vos aventures. Les babioles qu’il vous vend contre quelques kamas se révèleront des trésors inestimables en cas d’urgence. Le plus difficile sera finalement de n’en emporter qu’une seule avec vous tant le choix est cornélien. Bien qu’ils ne soient activables qu’au bout de plusieurs tours de jeu, ils sont suffisamment puissants pour vous sauver la mise. Invulnérabilité pour un tour, réduction de coût en wakfu, copie de carte, suppression du boost ou de l’armure ennemie, etc. Je ne compte plus le nombre de fois où une partie a twisté grâce à l’une de ces merveilles.

Farmer chinois.
Mais quel est l’intérêt de tout cela s’il est possible de défaire les trois boss sans utiliser ces items, runes et autres bienfaits divins ? L’intérêt tient au fait que le jeu n’est pas tout à fait ce que vous croyez. Et si mes stats de succès sur Steam sont exactes, seuls dix pourcent des joueurs l’ont compris. One More Gate, comme tous les jeux estampillés Ankama, est un jeu de gros farmer. Car la fin du jeu n’est tout simplement pas la fin, mais ce n’est que le début. Exactement comme dans Dofus, Wakfu ou Waven, la phase de progression ne sert qu’à expérimenter avec les bases, à améliorer son équipement, ses sorts et ses capacités. Tout cela en vue d’une seule chose, la partie immergée de l’iceberg.
Dans One More Gate, il s’agit du mode faille. Un mode de jeu où tous vos équipements et votre progression est conservée, mais où vous ne débutez pas avec un deck préalablement construit. Bien plus complexe et bien plus fin que le mode principal, votre arrivée dans la faille vous demande de choisir neuf cartes aléatoires par petites phases : d’abord trois parmi cinq, puis trois, puis deux et enfin une carte Perfect. C’est avec ces neuf cartes, rarement bien assorties que vous allez devoir vous débrouiller face à des ennemis randomisés bien plus coriaces que d’habitude. Après chaque affrontement, vous avez le choix entre deux cartes et vous avez l’obligation d’en prendre une, ce qui a pour conséquence d’alourdir votre deck, souvent inutilement. Pire, il vous faudra payer un marchand pour vous défaire d’une carte, et le coût est élevé et demande de prendre des risques sur le chemin. Bonheur. Mais si vous croyez en avoir fini, vous ne savez pas à quel studio vous avez affaire.
Comme si cela n’était pas assez difficile, sachez qu’il existe quinze niveaux de faille. Chaque niveau de faille équivaut à un malus imposé pour l’intégralité de votre run. Ainsi, si vous êtes en faille 1, vous aurez un malus au choix parmi deux pour la run. Si vous êtes en faille 15, vous en aurez… quinze ! Ces malus peuvent aussi bien vous empoisonner quand vous empoisonnez l’ennemi, qu’augmenter le coût de certaines de vos cartes d’un ou deux points de wakfu. Il en existe une infinie variété que vous apprendrez à découvrir dans la douleur. Ah, et vous vous souvenez quand je vous disais qu’il n'y avait que deux soins par chemin avant le boss ? Ici, il n’y en a tout simplement pas… sauf si vous achevez le boss. Quel est l’intérêt de ce soin après le boss ? Enchaîner vers le prochain. Car en mode faille, une run ne s’arrête pas à l’affrontement d’un boss, mais de trois boss d’affilée au bout de trois chemins très tendus ! Alors bien sûr, on pourrait tout de même avancer qu’après avoir fini l’aventure principale, les mécaniques face aux trois boss sont rodées, qu’on les connaît tout de même bien à force de les try hard ! C’est vrai, mais ce serait sans compter les trois nouvelles zones inédites que vous devrez parcourir pour arriver au bout du contenu…
DLC 27.02.2024 : Compagnons #1, #2 et #3
Les DLC de One More Gate ajoutent un ou plusieurs familiers selon votre niveau d’implication financière. Pour les besoins du test, j’ai souhaité tester la feature pour pouvoir émettre un avis sur leur intérêt concret. Visuellement adorables, ces petites bestioles ont tout de même l’avantage de vous aider assez astucieusement en combat. Je joue personnellement avec l’écurouille, même en faille, car il a le bon goût de frapper les ennemis en zone. Ses dégâts sont certes négligeables, mais il permet de casser la barrière d’invulnérabilité de certains ennemis à chaque début de tour, avant mon personnage. Je n’ai pas encore eu recours aux deux autres, aussi je vous conseille de n’acheter que ce dernier pour commencer si vous souhaitez investir quelques euros de plus dans le jeu.
One More Gate vous donnera l’illusion d’un petit jeu sans envergure, où le joueur est tenu par la main et n’a même pas à comprendre finement les mécaniques du deckbuilding pour progresser sans encombre. Vous le parcourrez en une vingtaine d’heures, prendrez le temps de savourer son univers coloré et amusant. Et quand, ravi de vous même, enivré de votre supériorité et de votre orgueil, vous vous apprêterez à le fermer définitivement, il révèlera son vrai visage. Un trou noir, vertigineux de difficulté, abyssal dans sa profondeur de jeu. Une invitation à oeuvrer dans la douleur pendant encore une bonne cinquantaine d’heures… Au moins.
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