
✿
"Souvenirs", de Rémi Tootata. Un jeu dispo pour 2€, qui simule une semaine de vacances dans le lieu de votre choix. Chaque jour, vous tirez une carte dans un deck classique de 52 cartes, et en fonction de sa couleur/valeur, vous trouvez des objets sur votre route.
Lien vers la page itch.io du jeuJe commence tout juste la partie, et en bon rôliste, j'ai décidé de vivre l'expérience à fond ! Je vais donc tirer une carte par jour IRL et vous proposer le récit de ma semaine virtuelle dans le parc national du Mercantour
✿
Jour 1 : J'arrive à Saorge sur les coups de 20h. Le Soleil se love dans les courbes des montagnes girondes, et le ciel tout entier s'empourpre face à cet amour passionné. Dans les ruelles étroites aux couleurs passées, je flâne tranquillement à la recherche d'une terrasse accueillante. La douceur d'un soir d'été où flottent déjà les parfums délicats de la nuit. Des éclats de rire dans l'air. La chaleur d'une humanité qui s'amuse, qui palabre et s'entraime, m'attire dans la rue parallèle. Ci et là gisent les cartons, les empilements de vaisselle et les tas de vieux outils. Me voilà arrivé dans la caverne aux merveilles. Un endroit merveilleux où s'entasse le souvenir d'un monde sur lequel la poussière s'est finement déposée. Dans le bric-à-brac de cette brocante que l'on remballe, je farfouille à la recherche d'un trésor enfoui que je pourrais exhumer. Mes mains empoignent une bielle mystique, une tasse ébréchée qui a bu trop de thé. Elles ressuscitent des chanteurs oubliés et de vieilles VHS fânées. Elles cherchent compulsivement parmi les bacs à livre. Jusqu'à cette évidence, ce moment sublime où jaillit la rencontre. Un petit livre noir sur lequel dansent les arabesques dorées. Dénué tout à la fois d'auteur et de titre. En l'ouvrant, je découvre étonné qu'il s'agit d'un carnet, rédigé à la plume et noirci de croquis qui piquent ma curiosité. Je le montre au vendeur, qui semble aussi surpris que moi. Il ne reconnaît pas l'objet, ne l'a même jamais vu. Il demande à sa voisine, mais elle n'en sait rien non plus. Le carnet n'a pas de propriétaire, comme s'il était tombé du ciel pour atterrir dans ma main. Nul ne voit d'objection à ce que je le garde. J'offre mon sourire en échange. Installé dans une auberge proche, je passe une bonne partie de la soirée, puis de la nuit à lire les notes griffonnées dans ses pages. Le carnet n'est ni signé ni daté, mais une chose est sûre : il a été rédigé par un mystique fasciné par les créatures légendaires de la vallée de la Roya. Il y a chez son auteur une véritable obsession dévorante qui l'a conduit à entreprendre un voyage incroyable dans les vallées alpines pour y rencontrer les fées des edelweiss. Il relate avec soin son itinéraire détaillé du monastère de Saorge jusqu'à Valmasque en passant par Castérino.
✿
Jour 2 : Au réveil, je découvre que je me suis endormi sur le carnet chiné la veille. L'esprit encore embrumé par mes rêveries nocturnes, je décide de préparer mon sac pour la randonnée du jour. Le soleil est déjà haut dans le ciel et je dois arriver à Tende en début d'après-midi ! A peine levé, j'avale une tasse de thé aux notes de bergamote, enfile mes chaussures de rando et mon sac à dos. L'heure est venue d'affronter la vallée ! Impossible de se perdre, il suffit de suivre la Roya vers l'amont. Le temps est idéal, la balade sera belle et j'ai de l'eau à profusion ! Mieux vaut cependant avancer d'un pas constant et sûr. Les environs sont escarpés et la foulure n'est jamais loin. Le lit de la rivière a creusé le paysage en l'érodant au fil des siècles, ce qui a achevé d'installer le cours d'eau au creux de l'escarpement. Les falaises calcaires me toisent. Partout, la verdure m'engloutit et me submerge de parfums méridionaux. L'odeur des pins, des bosquets de lavande et des pierres réchauffées par les rayons brûlants du soleil. J'ai l'impression de progresser à pas de fourmi au beau milieu d'une carte postale aux couleurs sépia. Et pourtant, j'avale les kilomètres à un rythme impressionnant. Le temps s'écoule différemment au fond de cette gorge, comme entraîné malgré lui par le défilement des eaux cristallines. Des vingt kilomètres vers mon étape finale, il ne m'en reste déjà plus qu'une petite dizaine. La vie s’épanouit partout où porte mon regard. Des petits poissons aux reflets d'argent clapotent au fil du courant. Des demoiselles bleues striées de noir se posent de-ci de-là sur les herbes folles. Piaillent les moineaux, chantent les mésanges. Au loin, le loriot déclame de sa belle voix. Me voici arrivé à l'embranchement entre la Roya et le Torrent de Bieugne. La nature laisse place au béton, mais l'endroit conserve un charme tout particulier. Les bâtisses qui fleurissent de part et d'autre de la route sont décrépies. Elles dénudent leurs vieilles pierres de taille inégales. Toutes revêtent ces volets aux persiennes, typiques des régions brûlantes, qui filtrent la lumière du jour et cassent sa chaleur insoutenable. Sous le ciel de midi passé, je rêve avec ivresse de la fraîcheur qui règne derrière les rideaux de bois verni. Je continue ma route par les chemins de pierre et je rejoins bientôt la rivière à nouveau. Alors que je contemple au loin la belle ville de Tende qui se rapproche pas après pas, un miroitement soudain me frappe la rétine, comme le ferai l'éclat du soleil se reflétant dans le cadran d'une montre. Je me baisse et je ramasse le curieux objet responsable de mon éblouissement. Abasourdi, j'observe dans un demi-rêve un caillou plat circulaire dont les couches supérieures ont été méticuleusement détachées pour laisser apparaître la fine feuille de mika qui étincelle au soleil. Le tout forme un étrange dessin représentant un personnage naïf dont les deux mains levées en l'air brandissent des couteaux. Je passe de longues minutes à tourner et retourner cette merveilleuse trouvaille dans ma main droite. Je continue ensuite ma route, caillou en poche et sourire aux lèvres.
✿
⁂